Article paru sur neuf
L'efficacité des antidépresseurs remise en cause par une étude britannique
26 février 13:06 - LONDRES (AFP) - Une étude de l'université anglaise de Hull (nord) a mis en doute mardi l'efficacité des antidépresseurs comme le Prozac et le Seroxat, estimant que ces médicaments n'avaient guère plus d'effets que des placebos sur les personnes souffrant de dépression.
Deux bouteilles de Prozac
AFP/Getty Im./Archives - Stephen Chernin
"La différence d'amélioration entre les patients prenant des placebos et ceux prenant des antidépresseurs n'est pas très importante. Cela signifie que les personnes souffrant de dépression peuvent aller mieux sans traitement chimique", a expliqué le professeur Irving Kirsch du département de psychologie de l'université de Hull.
Il fait partie du groupe d'experts qui a analysé les données publiées et non publiées --mais mises à disposition des organismes de certification britannique et américain-- concernant 47 essais cliniques d'inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), des antidépresseurs de nouvelle génération.
Il s'agit notamment des antidépresseurs les plus prescrits comme la fluoxetine (Prozac), la venlafaxine (Efexor) et la paroxetine (Seroxat).
Selon l'étude publiée dans la revue spécialisée PLoS-médecine (bibliothèque publique de science), les ISRS n'ont pas plus d'effet que des placebos pour les dépressions légères et pour la plupart des graves dépressions.
En ce qui concerne les dépressions très graves, la différence est davantage liée à une moindre réaction des patients au placebo qu'à une réaction positive aux antidépresseurs, selon cette étude.
"Etant donné ces résultats, il semble qu'il y ait peu de justification à la prescription de traitements antidépresseurs à part pour les personnes souffrant de très grave dépression, sauf si les traitements alternatifs n'ont pas permis d'amélioration", a poursuivi M. Kirsch.
Le ministre britannique de la Santé Alan Johnson devait annoncer mardi un plan de 170 millions de livres (225 millions d'euros) pour former 3.600 thérapeutes au traitement de la dépression autrement que par la médication.
Pour Marjorie Wallace, responsable de l'association spécialisée dans la santé mentale Sane, si ces résultats étaient confirmés, ce serait "très perturbant" car les ISRS "représentaient un grand espoir pour l'avenir".
Elle a prévenu que les patients ne devaient pas interrompre leur traitement sans avis médical.
Près de 31 millions de prescriptions d'antidépresseurs, dont 16,2 millions pour des ISRS, ont été délivrées au Royaume-Uni en 2006, selon l'association Mind.
Cette étude constitue un "défi important à la prédominance des médicaments dans le traitement de la dépression", a relevé Alison Cobb, responsable de Mind. "Les antidépresseurs aident de nombreuses personnes, mais en aucun cas tout le monde, et certaines personnes subissent des effets secondaires très importants", a-t-elle ajouté.
Le professeur Tim Kendall, directeur-adjoint du département de recherche du Collège royal de psychiatrie, a qualifié ces résultats de "fabuleusement importants" et souligné qu'il était "dangereux" que l'industrie pharmaceutique ne publie pas l'ensemble des données à sa disposition.
Un porte-parole d'Eli Lilly, fabricant du Prozac, a indiqué qu'une "expérimentation médicale et scientifique approfondie a démontré que la fluoxetine est un antidépresseur efficace".
De son côté, un porte-parole de la firme GlaxoSmithKline (Seroxat) a estimé que les auteurs de l'étude n'avaient "pas reconnu les effets très positifs que ces traitements ont apportés aux malades et à leurs familles pour affronter la dépression et leurs conclusions sont en désaccord avec ce qui a été constaté au niveau clinique".
Il a déploré "l'inquiétude et le souci inutiles" que cette étude pourrait causer chez les patients.